Learning expedition chez EGIS France
Pas de transformation d’entreprise sans transformation personnelle
Lors d’une belle journée de septembre, nous sommes une dizaine de représentants de MOM21 à être reçus par Frédéric Roques, le Directeur Général d’Egis France, et les membres de son Comité de Direction pour une journée d’échange et de partage concernant l’aventure qu’ils vivent depuis 2 ans.
L’après midi sera consacrée à discuter avec des salariés volontaires, « les ambassadeurs » d’Egis dans les échanges avec les sociétés curieuses de ce nouveau type de management et d’organisation mise en place auprès de 800 collaborateurs.
Quelques informations sur l’activité d’Egis pour mieux comprendre les origines du Groupe et ses caractéristiques, ainsi que les enjeux stratégiques de la société quand la démarche a été initiée.
Le métier du Groupe EGIS est centré sur l’ingénierie de la route et des ouvrages d’art et l’activité d’investisseur et d’exploitant autoroutier.
Après les rachats successifs de Iosis et de Sofréavia, le Groupe Egis compte 12 000 personnes dont 700 pour Egis France avec sa filiale Ville et Paysage.
Egis France est le fruit de 13 fusions ou restructurations internes avec une activité très dépendantes des collectivités locales. Avec la réduction des budgets des collectivités locales, le secteur subit la crise de plein fouet, et les prix s’effondrent.
Frédéric Roques, arrive il y a 4 ans d’une entreprise concurrente. Très vite, il fait deux constats majeurs :
- pourtant leader dans leur domaine, les salariés d’Egis France ne perçoivent pas leur entreprise comme telle et dévalorisent leur organisation et mode de fonctionnement. Ils ne semblent éprouver aucune fierté, et démontrent même de la souffrance au travail.
- Aucune synergie n’existe entre les différents sites d’Egis France ainsi qu’entre les métiers, le sentiment d’appartenance au Groupe semble inexistant.
À partir d’une conviction très personnelle selon laquelle nous sommes heureux quand :
- On trouve un sens à sa vie
- On est acteur, on fait des choix et on les assume,
Son idée est d’emprunter ses recettes du bonheur de la sphère privée et les appliquer à la sphère professionnelle.
C’est ainsi que né le projet Vision auquel tous les collaborateurs vont être associés.
Le programme vision d’EGIS
L’objectif du programme Vision est de répondre à 3 questions « quelle est notre vocation, quelles sont nos valeurs, et comment devons-nous nous organiser pour mieux travailler ensemble »
Emmanuelle Gendre, DRH, nous parle alors d’une véritable révolution culturelle et managériale.
L’ex Codir de l’époque se réunit après avoir lu « liberté et compagnie » d’Isaac Getz et met en place des séminaires où tous les collaborateurs s’expriment. Il en ressort 4 règles d’or :
- On est là que parce qu’il y a un client
- Tout ce qui ne sert pas le client est tracké et supprimé
- L’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel
- La transparence est de mise et complète
Lors d’une learning expédition est organisée chez Chronoflex et Imatechnologie, le Codir entend parler de saut en parachute et se demande quel va être le leur. Ils décident alors de se retirer quelques jours dans un couvent pour réfléchir ensemble, sans Frédéric Roque.
Lors de ce séminaire quelque peu austère, se tissent des liens très solides entre les membres du Codir, avec une remise en question profonde qui va jusqu’à la conclusion : nous sommes les propres freins de notre changement et l’organisation de la société aussi.
Ainsi, lors de la réunion annuelle de tous les collaborateurs des 30 sites le 18 juin 2014 (toute première fois que les 700 collaborateurs sont réunis tous ensemble), chaque membre présente publiquement sa démission du Codir et annonce la remise en jeu de son mandat.
Les messages sont forts, reçus de façon disparates par les collaborateurs qui assistent à la scène sans y être préparés. Certains sont sceptiques, circonspects, d’autres enthousiastes.
Tous se demandent néanmoins ce que cela peut bien signifier ?
48 groupes de travail se mettent alors en place sur des initiatives personnelles avec un Comité de Pilotage pour assurer la coordination d’ensemble et communiquer avec Frédéric Roques qui leur donne 6 mois pour établir une nouvelle organisation, applicable au 1er janvier 2015.
Cette période est difficile à vivre pour les membres du Codir qui peinent à trouver leur juste positionnement : rester manager ressource ? Se mettre en retrait ?
Les questionnements personnels tournent en boucle : Quelle attitude dois-je adopter ? A quoi je sers dans la société, pour mes équipes ? etc.
Les groupes de travail font l’expérience de l’auto gestion, éprouvent une certaine difficulté à décider de leur processus de décision et demandent de l’aide extérieur pour faire aboutir le nouveau schéma d’organisation avant de le présenter à la Direction Générale.
Frédéric Roques prend alors la décision importante d’assumer l’entière responsabilité du résultat de cette nouvelle organisation (en particulier sur le plan social, compte tenu de la fermeture potentielle de plusieurs sites géographiques).
Cette action a permis d’alléger considérablement le poids ressenti par les salariés mal préparés à prendre part à des décisions aussi structurantes et impactantes pour leurs collègues.
Les conséquences sur l’organisation chez EGIS
- Réduction du nombre d’agence de 50 à 20
- Les régions deviennent pluridisciplinaires
- Chaque chef de projet est autorisé à répondre à tout appel d’offre sans demander d’autorisation spéciale
La gouvernance
Les membres du Codir ont alors postulé pour être confirmé (ou non) par leurs équipes, chaque collaborateur pouvait également postuler lors de l’appel à candidature.
La transformation culturelle
Au 1er janvier, l’organisation est totalement modifiée, les nouveaux postes pourvus, mais tout restait encore à faire pour que la culture évolue pour tous les managers et les chefs de projet.
En s’inspirant du livre de Frédéric Laloux (Reinventing organizations), Egis France décident de créer des cercles entre pairs, des cercles de managers, des cercles de chef de projet qui se réunissent régulièrement et travaillent en mode « co-développement ».
Les bénéfices de la transformation pour les salariés
- Ils ne se sont jamais sentis aussi libre
- Certaines transformations personnelles sont spectaculaires
- L’ambiance de travail a changé, la coopération se développe de plus en plus
- Le mode de recrutement a changé et le savoir être est devenu le critère clé
- Sur le plan financier, la réduction des niveaux de management et des processus de contrôle ont immédiatement réduit la structure de coût.
- La transformation a permis la création d’une véritable culture d’entreprise qui n’existait pas auparavant
- Dans leur quotidien, les collaborateurs éprouvent une plus grande proximité avec leurs managers (« il y a moins et ils sont beaucoup plus disponibles et à notre écoute »)
- Ils se sentent responsabilisés et des synergies commencent à apparaître
- La vision est claire et partagée, des initiatives commencent à émerger et se traduisent par des prises de nouveaux marchés.
Les messages à retenir de Frédéric
- Il n’y a pas de transformation de la société sans une transformation personnelle du patron et de son équipe (avec un accompagnement si nécessaire)
- Il est primordial de s’occuper d’abord de ceux qui sont favorables et supporters du projet, et de ne pas s’épuiser à convaincre les réfractaires et les opposants
- Gonfler le capital confiance très puissant pour le collectif
- Apprendre à gérer la communication est clé dans le déroulement de la transformation
Comment ils auraient pu faire autrement ?
La réponse est immédiate : on n’avait pas le choix, il n’y avait pas de plan B, sinon c’était la fermeture.
Nos remerciements
Un grand merci à Frédéric Roque qui a accepté très spontanément de nous recevoir et de mobiliser son Codir pour témoigner de leur projet de transformation.
Un immense merci à tous les collaborateurs « ambassadeurs » qui ont bien voulu témoigner de leur expérience et ressentis.
« Nous pensons de la parole précise le témoignage le plus sûr de la pensée juste »
Isocrate
Pour le cercle « suivi des entreprises libérées » Carole Laubry et Fanny Escande
Voir aussi