Les avantages du télétravail
Apparemment il semble que la perspective de développer le télétravail réjouisse tout le monde. Au point de penser à en faire la règle dans quelques grands groupes industriels pour les cadres et administratifs.
Le Télétravail parait être une aubaine économique pour l’entreprise et semble offrir plus de liberté aux salariés. Pour l’entreprise le télétravail peut représenter jusqu’à 30% d’économie(1) sur entre autres choses, l’investissement immobilier et les avantages financiers accordés aux salariés pour venir travailler.
Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions mais aussi et surtout de manque d’attention !
Mais à y regarder de plus près, cette perspective réjouissante à court terme mérite qu’on se pose quelques questions.
Les inconvénients du télétravail
Les salariés dans un premier temps se réjouissent de cette perspective de pouvoir travailler à l’heure qu’ils veulent en restant en pyjama toute la journée.
Mais …
Le télétravail peut mettre en danger le collectif.
Avec le temps, l’absence des contraintes de la vie collective fait apparaitre un rapide délitement du lien social quand il n’est plus entretenu.
On peut entretenir quelques temps des relations professionnelles existantes par les réseaux sociaux, mais on ne peut plus produire de nouvelles coopérations de nouvelles solidarités(2). Le renouvellement des liens sociaux passe par l’imprévisible d’une rencontre fortuite quelque chose de parfois inattendu ou l’irrationnel que permet difficilement les relations numérisées.
L’absence de dimension commune dans l’effectuation du travail ramène la production de l’ensemble à la somme exacte des productions individuelles, comme un retour au taylorisme. Alors qu’on sait bien que dans un collectif mu par un projet partagé il y a un effet de synergie qui fait que la somme du travail produit est supérieure à la somme algébrique des activités produite(3). C’est bien de l’intelligence collective qui risque de disparaitre.
Au fond, s’il n’y a plus de « bien commun » à entretenir pourquoi chacun donnerait-il plus qu’il ne reçoit ? sans collectif, pas d’entropie et donc aucune raison de donner plus que de recevoir.
Le télé travail peut mettre en danger l’individu
D’un point de vue individuel, le risque est grand et avéré que les télétravailleurs soient assez souvent incapables de structurer leur temps d’une manière qui respecte leur écologie : il se peut qu’ils soient incapables de se mettre au travail et qu’ils bâclent le travail au dernier moment quand l’échéance les y poussent. Il se peut aussi, et on l’a vérifié, que bien souvent ils soient beaucoup plus productifs qu’au bureau.
Mais cette super-productivité peut se payer par du « burn out » qui met en danger le travailleur, ou qui peut créer des problèmes de relation dans le cercle familial, qui finissent toujours par avoir une influence sur la productivité. L’art de structurer son activité d’une manière écologique, de se donner des limites n’est pas donné à tout le monde. C’est bien pour cela qu’on a inventé le code du travail : pour que la régulation que ne peuvent pas faire chacun individuellement soit assurée par des règles collectives.
L’intérêt d’un espace de travail distinct organisé par des règles sociales et partagée, apparait ici dans sa fonction de protection des individus. La crise de la covid 19 nous permet de re-questionner ces « allant de soi » sur l’importance du collectif et de l’importance des règles comme par exemple le fait qu’à certains égards l’entreprise a comme « fonction cachée » d’organiser les personnes qui ne savent pas s’organiser.
C’est un peu « l’erreur épistémologique » que représente la publicité de la confédération des métiers de l’artisanat : « l’artisanat la première entreprise de France ». Au risque d’exploser, l’entreprise ne peut pas être longtemps une somme d’indépendants même si l’activité de chacun sert un but commun. C’est plus que cela. Notamment parce que, comme cadre de contrainte extérieur à l’individu elle a une fonction structurante et productrice de ressourcement des liens sociaux.
Le télétravail permet provisoirement d’entretenir l’état de la force de travail mais ne permet pas son renouvellement. De surcroit, il y a un risque d’Ubérisation du travail avec tout ce que cela veut dire d’injustice et d’inégalité d’isolement et de souffrance.
(2) voir cette boutade qui illustre bien cette question : « j’ai 3000 amis sur Face Book il y en a pas un qui est venu m’aider à déménager ».
(3) Proudhon disait : « si un homme en deux cents jours ne pourrait pas dresser un obélisque, deux cents hommes en un jour pourront le faire. »
Voir aussi