Prises dans des enjeux d’organisation semblables à celles de l’entreprise traditionnelle, les entreprises du social à vocation d’insertion sont amenées à gérer des problématiques qu’on n’aurait pas imaginé il y a encore quelques années.
Les nouveaux enjeux des ESS
Depuis le temps que j’accompagne ces entreprises, j’ai vu leurs problématiques évoluer vers des questions qui peuvent sembler en rupture avec les valeurs et les croyances qui les ont fondées.
«Nous ne sommes pas des entreprises comme les autres»
«Nous sommes là pour aider les autres pas pour faire des affaires »
Ce discours marqué d’une idéologie de l’assistance commence à être battu en brèche par des considérations organisationnelles et économiques que l’on n’attendait peut-être pas.
« Il faut faire de la croissance externe et interne ».
« Il faut amortir les investissements, travailler sur l’organisation »
« Sortir des fonctionnements en silo et du management top down »
« Il faut développer la coopération »
Des problématiques communes des ESS et des entreprises traditionnelles
Mais il ne faut pas se méprendre ! Ces nouvelles demandes sont autant des demandes de l’entreprise dite « traditionnelle » que des entreprises du social. Il n’y a pas si longtemps, les consultants d’entreprise étaient rejetés par les équipes de travailleurs sociaux qui se sentaient en rupture avec un langage et un projet qui semblait ne pas respecter leurs valeurs d’équipe. Mais les temps ont changé et chacun des deux secteurs a fait un pas vers l’autre.
L’entreprise traditionnelle, au travers l’entreprise responsabilisante ou la RSE, montre qu’elle ne reste pas insensible aux questions humaines (la réforme de l’entreprise en mission marquant un pas important en ce sens) et les entreprises du social sont bien obligés de faire un pas vers des conceptions plus rationalistes du travail et de l’organisation.
Les entreprises du social se rendent compte qu’elles ne sont pas un monde à part dans le marché du travail.
L’accompagnement du travail d’équipe
Il devient nécessaire de faire travailler les équipes sur leur cohésion sur les valeurs partagées. Les amener à reconsidérer leurs modes d’organisation pour les conduire vers plus d’efficience dans leur manière de produire.
La crise du travail que nous vivons en France depuis maintenant quelques décennies conduit à réduire cette distinction après tout artificielle entre les entreprises traditionnelle de production et les entreprises du social à vocation d’insertion. Au fond les problématiques ne sont pas si différentes : s’aligner autour de la raison d’être, définir son rôle et sa mission, des valeurs communes, définir un cadre de fonctionnement pour améliorer le vivre ensemble.
La question de l’efficience
Ce « glissement idéologique » a toute fois un intérêt d’ouvrir une porte de la réflexion sur la forme que prend la question de l’efficacité ou plutôt de l’efficience dans le travail social.
L’introduction du langage entrepreneurial dans le monde du social fait qu’on peut commencer à réfléchir à quelques questions triviales :
1) Qu’est ce que produire dans le travail social ?
Que produit-on ? De la paix social ? Un palliatif à une crise ? De l’insertion ? Des compétences ?
2) Qu’est ce qui produit de la souffrance dans le travail social ?
Comment chacun peut savoir s’il fait bien ou pas son travail ? Quels indicateurs de réussite permettent une valorisation du travail ?
Comment gère-t-on les conflits idéologiques particuliers quand il y a des distorsions entre le projet de l’individu et ce qu’on lui demande de faire ?
Comment comprendre la souffrance au travail ? Est ce le travail empêché par le manque de moyen et les distorsions idéologiques de l’institution ? Le sentiment de ne pouvoir s’accomplir en ayant l’impression de ne pas pouvoir réussir avec les clients ?
3) Quelle cohérence entre les modes d’organisation du travail et le projet de production ?
Comment faut-il faire évoluer nos modes d’organisation du travail pour remplir sa mission sans produire de souffrance ?
Toutes ces questions qui structurent nos interventions dans les entreprises du secteur social, révèlent les questions qui sont en travail d’une manière souvent souterraine dans cet environnement professionnel particulier.
Un environnement particulier en ce sens que l’humain dans sa complexité avec une forte composante non-consciente structurante, est à la fois la matière de travail (le public) et l’outil d’intervention (les équipes). Une complexité qui interdit toutes les tentatives de rationnaliser et contrôler la production par les méthodes imaginées comme scientifiques par l’idéologie taylorienne.
Quelle troisième voie trouver entre l’impossibilité de contrôler rationnellement le travail et la souffrance que produit le fait de ne pouvoir faire autrement que d’être dans l’appréciation purement intuitive de la valeur du travail.
L’accompagnement en coaching
Il est alors bien difficile d’envisager des stratégies d’accompagnement uniquement basées sur des réponses du type « formation à des outils ».
L’accompagnement n’a pas seulement comme mission d’appareiller les intervenants d’outils d’intervention, mais aussi de les accompagner à développer une attention consciente à leur vécu professionnel. C’est par ailleurs une problématique qui se pose aussi dans l’entreprise dite « traditionnelle » ou l’explosion du coaching a mis en évidence un besoin d’accompagnement et pas seulement à l’acquisition d’outils.
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