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Learning expedition chez Agesys

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Learning expedition chez Agesys

Journée magnifiquement ensoleillée à l’approche des vacances estivales pour les 6 adhérents de MOM21, 4 membres du cercle « suivi et observation des entreprises libérées », Juliette notre stagiaire et Bernard Rhomer.

Partis tôt le matin de la gare du Nord pour rejoindre Noyon en Picardie où Agesys a élu récemment domicile sur l’ancien site militaire du Régiment de marche du Tchad. Ce site, reconverti en zone franche d’activité par la municipalité a permis de réhabiliter cet immense espace naturel, parsemé d’anciens bâtiments militaires. Une trentaine d’entreprises s’y sont installées, formant ainsi un campus high tech.

Le bâtiment d’Agesys, l’ancien dépôt d’armes, a été entièrement refait il y a moins de 3 ans pour leur installation. Nous constatons au premier coup d’œil le soin apporté à l’esthétisme, la décoration, et aux choix des matériaux : les bureaux se veulent résolument modernes, parfaitement ordonnés, conjuguant différents types de zones de travail et de détente pour que chacun puisse trouver celui qui correspond à ses besoins au moment venu.

A l’entrée trône « Nono le petit robot » : la mascotte de la société, venue spécialement de Belgique, et fabriquée avec un tambour de lessive en bronze. Au dessus sont affichés les trophées de Qualité de vie au travail remportés par Agesys.

Quelques données sur Agesys

Agesys compte plus de 15 ans d’existence, plus de 50 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros. Son domaine d’activité : l’infogérance et les services informatiques (assistance, déploiement, exploitation/maintenance 24/24 pour les PME et les grandes entreprises) et le conseil en gestion informatique (cloud, sécurité…).

Son président, Christophe Thuillier, en a repris les rênes en 2009, suite au départ des 2 autres cofondateurs. La société comptait alors un peu plus de 20 personnes.

Un programme de déspacialisation

À notre arrivée, nous sommes surpris de constater que très peu de collaborateurs sont présents sur le site. Alors que nous prenons le café dans la salle nommée ‘Coffee place’ avec Christophe et Valérie Thiesset (responsable RH d’Agesys), nous découvrons qu’un système très élaboré de travail à distance a été déployé. Il s’agit d’un programme de « despacialisation » qui permet à chacun de travailler d’où qu’il soit – pas seulement de chez lui mais aussi depuis l’étranger, sur son lieu de vacances en cas de prolongation de séjour (1 à 2 semaines par an), dans des hôtels lors de déplacement, avec exactement le même environnement de travail que s’il était au bureau. Le seul jour de présence rendu obligatoire au siège consacré au partage et débat entre collaborateurs, est le lundi, et éventuellement en facultatif le jeudi.

L’objectif visé est de casser la notion de ruche, et d’éviter d’éventuelles remarques désobligeantes envers les collaborateurs qui feraient le choix de travailler chez eux.

Ici, on a inversé la logique, la règle est la despacialisation, venir au bureau devient l’exception. Ainsi aucun collaborateur ne se sent gêné de travailler depuis chez lui et ne se force à venir au bureau. Ce programme concerne aujourd’hui près de 60% du personnel, quelque soit leur fonction, y compris pour les équipes qui assurent la supervision des services informatiques. Et pour ceux qui ne sont pas encore décidés, aucun problème, chacun peut tester, se faire son opinion, a le droit de ne pas aimer et de changer d’avis. Il n’y a d’ailleurs pas de convention signée avec les salariées, pas d’obligation non plus, c’est un dispositif à la demande, sans engagement, la règle de base est avant tout la liberté.

Le programme va très loin dans la mesure ou chaque aspect pratique est pensé et adressé par un dispositif ad hoc visant à garder les avantages du travail à distance tout en adoucissant les inconvénients.

Exemple : un écran numérique occupe la place centrale de la « Coffe place » avec une caméra permettant à tout collaborateur non présent sur le site, de faire sa pause café avec ses collègues où qu’il soit et de profiter de la convivialité de ce moment de partage avant de démarrer la journée.

Autre dispositif ingénieux et au top de la modernité : un petit robot muni d’un Ipad sur tige mobile et pied roulant, peut être actionné par n’importe quel salarié à distance pour se promener dans les locaux du siège et aller voir plusieurs personnes successives dans les bureaux, ou bien se déplacer de façon dynamique autour d’une table de réunion plutôt que de profiter d’une vue figée via skype. Nous en avons fait l’expérience et c’est assez bluffant tant cela semble simple à utiliser depuis son écran de portable, pour une interaction presque aussi vivante qu’en chair et en os.

Pour les collaborateurs qui assurent des activités de maintenance chez les clients, un programme pilote est en réflexion au travers d’un projet nommé « eMove » : l’idée des salariés est simple même si elle est encore futuriste : ils créent un robot Avatar pour assurer les opérations physiques de remplacement de matériel chez le client à la place du salarié qui le pilote à distance. eMove s’adresse donc aux métiers qui ne sont pas encore despacialisables.

Christophe Thuillier s’engage à fournir les moyens pratiques (salle dédiée, imprimantes 3D) pour développer le projet à condition de le réaliser hors temps de travail. Le projet séduit, il réunit à présent près d’un tiers des collaborateurs, tous volontaires. Ces derniers se raccrochent à un projet open source international (pour bénéficier de la R&D déjà bien avancée) et une maquette commence à voir le jour. Les résultats sont attendus d’ici 3 à 5 ans. Un nouveau savoir-faire se développe ainsi dans l’entreprise, sur simple initiative des collaborateurs, tous volontaires et s’impliquant pour le plaisir hors temps de travail.

Outre les gains évidents sur la qualité de vie au travail et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, le bilan du programme de déspécialisation est également énergétique: 1900 heures de route et 140 000 km de gagné depuis sa mise en œuvre.

D’un point de vue ressources humaines, cela permet également de réduire considérablement le turn over des collaborateurs, phénomène courant dans ce secteur. Chez Agesys, on peut tout à fait déménager en province pour suivre son conjoint, tout en restant dans la société. Non seulement les outils de travail sont disponibles de n’importe où (données disponibles sur le Cloud et environnement de travail identique à distance), mais le management est adapté à ce type de situation.

Comment maintenir un esprit d’équipe avec cette déspacialisation ?

Les occasions de créer des zones et moments de partage sont nombreuses : plusieurs évènements ont été institués pour créer de la complicité et de l’intimité entre les collaborateurs. Une convention est organisée chaque année à l’étranger, réunissant aussi les collaborateurs et leurs conjoints pour un voyage d’agrément de 4j dans une destination exotique et dépaysante (Dubaï en 2014, Rio de Janeiro en 2015). Chaque année est également organisé un grand barbecue, un arbre de noël, l’objectif est de garder une totale ouverture d’esprit à l’autre, de renforcer l’esprit d’équipe et d’intégrer les nouveaux (on évite également l’effet de clan qui pourrait freiner le développement de l’entreprise). Chez Agesys, la réciprocité est une valeur centrale, la société offre à ses collaborateurs des moments purement conviviaux en retour de leur engagement au quotidien. Ici règne la confiance, le contrôle est d’ailleurs inexistant, avec une volonté clairement affichée d’avoir des salariés heureux et engagés dans leur entreprise. C’est un contrat de confiance gagnant-gagnant.

Au quotidien, tout est prévu pour que chaque salarié puisse avoir connaissance des informations et décisions concernant l’entreprise. Ainsi Le Codir accueille un collaborateur pour une durée d’un mois. Ce dernier participe à l’ensemble des discussions, amène des sujets pour être traité et dispose d’une voix comme chaque membre du Codir pour participer aux décisions. Les volontaires s’inscrivent sur l’intranet et tournent tous les mois. Les sujets que les salariés veulent voir traiter sont alimentés via l’intranet également, qu’il s’agisse de communication, de décision à prendre ou de proposition qu’ils souhaitent remonter.

Un blog social est également mis à disposition pour remonter les difficultés remontées par les salariés avec un engagement de réponse.

Christophe souhaite aussi de fédérer les personnes par communauté ou par tribu selon leur centre d’intérêt commun. Ainsi naîtront le club des motards, celui du semi-marathon, regroupant tous les fans de cette discipline. Un bon moyen de créer du lien entre les salariés.

Le chemin de l’évolution

Quand Agesys a eu besoin de se structurer en 2011-2012, le premier réflexe a été de penser à une organisation classique, des départements, des services, des chefs. Mais rapidement la volonté de conserver cet esprit « start up » prend le dessus, le besoin d’agilité et d’un management 3.0 devient une évidence. La rencontre avec JF Zobrist en 2013 conforte également cette idée. Christophe prend également conscience qu’il pensait avoir de l’avance sur sa gestion d’entreprise, alors que certains allaient beaucoup plus loin. Il revoit alors son projet : sa structure se doit d’être horizontale, favorisant l’intelligence collective. Pendant plus de deux ans, il monte une équipe d’encadrement d’une dizaine de personnes (son codir), et lui délègue l’ensemble du pilotage opérationnel de l’activité et des collaborateurs. Christophe commence donc par « libérer son codir pour qu’ils libèrent leurs collaborateurs». Il se rapproche de Isaac Getz avec cette idée simple : comment faire du bonheur des salariés la valeur fondatrice de l’entreprise ? Il veut mettre l’économie au service de l’homme et non l’inverse.

Un vaste chantier se lance alors autour de trois axes (inspiré de l’ouvrage de Dan Pink sur la motivation 3.0) :

  • Quel est notre projet commun ? pourquoi on travaille, comment se faire plaisir …
  • La maîtrise technique et les compétences
  • L’autonomie des salariés

Alors qu’Agesys ne compte encore que 22 personnes, Christophe décide d’embaucher un responsable marketing et communication (fonction rarement dédiée dans une entreprise de cette taille). Lorsque l’entreprise atteint 32 salariés, il décide d’embaucher une responsable RH plutôt qu’un directeur financier.

Nous sentons que ces deux fonctions sont essentielles pour l’accompagner dans l’animation de la transformation de l’entreprise. Les 2 femmes seront d’ailleurs présentes lors de notre journée pour échanger sur leur rôle chez Agesys. Toutes les deux semblent très engagées dans leurs missions, nous ressentons qu’elles mettent beaucoup d’énergie et d’huile dans le moteur pour alimenter et accompagner cette transformation.

Définition du projet commun

Le représentant du personnel est mandaté par la Direction avec pour mission de faire le tour des collaborateurs et de synthétiser ce qui pourrait être le projet d’entreprise d’Agesys, lequel projet s’est ainsi verbalisé :

« Construire ensemble une entreprise humaine où chaque collaborateur s’épanouit selon ses préférences et dans un objectif de satisfaction client ».

L’objectif ainsi défini est « liké » par 90% des salariés, le chemin de libération peut se poursuivre dans cette voie. Un dessin est produit pour illustrer cette vision partagée, il symbolise la nouvelle identité d’Agesys envers laquelle chacun peut développer son attachement. Il est alors décidé de créer des groupes de travail sur la base un homme = une voie. Christophe ou Valérie Thiesset, prenne tour à tour la casquette de facilitateur.

Maitrise technique

Avec un budget de 7% de la masse salariale consacrée à la formation, Agesys mise sur du personnel très qualifié pour développer sa croissance. Tout en ayant une structure qui peut grossir avec de l’agilité et de la réactivité sans subir l’inertie inhérente aux entreprises qui dépassent certains seuils. C.Thuillier estime également qu’il est dans son devoir de chef d’entreprise, de développer l’employabilité de ses salariés (certificats fournisseurs plutôt que formation interne) dans le cas où son entreprise rencontrait des difficultés. Son sens personnel des responsabilités est à l’image ces principes qu’il applique au sein de son entreprise.

Près de 70% des membres du Codir ont commencé comme techniciens et secrétaires, la volonté de permettre aux volontaires de monter en compétences est clairement exprimée, libre à chacun de vouloir ou pas se former.

Autonomie des salariés

Autour du projet « Y ‘nnovation managériale », deux types de management sont alors distingués : le management opérationnel et le management dit hiérarchique.

Chez Agesys, chaque collaborateur choisit chaque année son manager hiérarchique et peut en changer l’année suivante. Le rôle du hiérarchique est de s’intéresser à la personne et uniquement à la personne. Il se doit d’être à son écoute (ce simple rôle suffit à déminer beaucoup de situation pour les salariés) et de mettre en place des actions pour l’aider dans les difficultés qu’il rencontre.

Autre idée forte concernant le management opérationnel : chacun se doit d’être son propre manager opérationnel, ce qui correspond à une attitude de responsabilité sur laquelle un groupe de travail a défini le sens et les attendus. Chacun ayant beaucoup de missions individuelles, Agesys doit les accompagner dans leur propre développement pour être un ambassadeur d’Agesys : savoir se maîtriser, être moteur, développer des attitudes positives, respecter les initiatives.

Des niveaux d’autonomie sont définis par le groupe de travail et déclinés en entretien individuel. Les difficultés ? Il y a bien sûr, principalement au niveau des managers qui se posent régulièrement des questions : comment prendre du recul, comment accompagner au mieux les collaborateurs parfois un peu perdu ? Apprendre à laisser faire tout en ne perdant pas les compétences acquises au fil des années. Autant de sujets en cours de réflexion sur lesquels les réponses ne sont pas évidentes.

Côté collaborateur, la principale difficulté est d’accepter de co-construire tous ces éléments constitutifs de l’entreprise et bases de son fonctionnement, sans penser que cette dernière ne sait pas où elle va.

Agesys, à la différence de toutes les entreprises dites « libérées » que nous avons visitées, a structuré avec précision des niveaux d’autonomie. Les cinq niveaux qui ont été définis, permettent aux collaborateurs de prendre confiance progressivement. En contrepartie cela demande au manager de savoir positionner le curseur de son management en fonction du niveau d’autonomie de ses collaborateurs et de ses besoins. Les managers ont donc toutes leur place chez Agesys, avec un rôle très important pour assurer la transformation en sécurité pour l’entreprise et avec sérénité pour les salariés.

Une direction atypique

La transparence des informations est bien entendu un élément clé (y compris financières avec le compte de résultats et les éléments pédagogiques permettant de le comprendre). Elle se décline aussi dans les comptes rendus de réunion du Codir qui font l’objet d’une vidéo de 4 mn pour expliquer chaque semaine aux salariés l’essentiel du Codir avec accès en replay pour ceux qui voudraient visionner les anciens Codir. Modernité et transparence…

Les valeurs

Les valeurs sont définies par un groupe de travail « humain, autonomie, esprit d’équipe, professionnalisme, novateur, et satisfaction client ».

Performance et bonheur

Avec 30% de croissance par an et un développement international notamment à Shangaï, Agesys a tout pour séduire : recruter les meilleurs profils, savoir profiter de la capacité d’initiative de ses salariés pour capter de nouveaux clients, Agesys entend bien conserver sa longueur d’avance. Faire d’Agesys une entreprise humaine ou règne considération et réciprocité.

Le baromètre mensuel du bonheur leur permet d’enclencher les actions nécessaires dès qu’un collaborateur exprime un malaise. Le procédé est très simple, un smiley de météo pour indiquer un problème, un entretien RH pour comprendre les origines du problème et des actions concrètes pour résoudre la situation. Certains collaborateurs ne s’exprimeraient jamais sans ce dispositif.

Considération et réciprocité

Chez Agesys, la réciprocité est volontairement affichée : l’entreprise, généreuse avec ses salariés (prime annuelle, participation aux bénéfices, chèque cadeaux, vacances, convention annuelle à l’étranger avec conjoints ..) a supprimé tous les signes extérieurs liés aux attributs du pouvoir : fini la place de parking réservé, le bureau individuel spacieux pour Christophe Thuillier « la valeur de chacun est identique même si nous avons des rôles différents ». L’équité comme valeur sur la base de laquelle un certain nombre de décisions se prennent.

Le mot de la fin

À la traditionnelle question « et si c’était à refaire ? », la réponse est franche et spontanée : « oui, sans hésiter » nous répond Christophe « car cela correspond à mes valeurs ».

Qu’aurait il fait de différent ?

  • Il aurait commencé par la vision,
  • Il aurait posé la considération – réciprocité bienveillance plus en avant,
  • Il aurait pris des accompagnateurs coachs plus tôt : beaucoup d’énergie qui aurait pu être catalysée grâce à l’appui d’experts en ce domaine.

Nous repartons le cœur joyeux en fin d’après-midi, conscients d’avoir été très nourris par des échanges de grande qualité et d’avoir eu la chance encore une fois de rencontrer de belles personnes qui font ce pari un peu fou et en même temps si simple, celui de faire confiance aux hommes et aux femmes pour développer un projet collectif fédérateur.

Nous souhaitons une belle route à Agesys, à Christophe et à Valérie que nous remercions bien chaleureusement pour cette belle journée et les encourageons à poursuivre leur aventure avec toujours cette pleine énergie si vivifiante.

Pour MOM21,

Carole Laubry et Fanny Escande

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